Un extrait de “Ça va n’aller”
Le vent traverse sans direction et fait face à chaque angle. Je sens l’air brutal qui me claque le visage et m’emplit d’existence. Je vois la poussière rouge. Celle d’où je suis née. Celle où je mourrai. La rouille des chemins désolés. Et le ciel qui décline à mesure que nous progressons. Pour la première fois depuis longtemps, je suis là où je dois être. Nos roues percutent les sentiers vifs dont les cailloux sous nos poids éclatent. La chaleur se ventile sous la vitesse. Souple et tendre sécheresse. Ethan me montre les aigles, plus haut, qui nous pistent. Des buissons timides constellent le sable rugueux. Ce roc sur lequel l’on s’allongera plus tard.
Dans le désert, le temps perd son pouvoir. L’après n’est qu’un nouvel avant. Le précédant ne nous manque pas. Le futur est sans surprise. Sublime. Comme le suivant. Dans le pare-brise, ce qui nous attend. Mes paupières s’endolorissent tel un môme dont les yeux ont trop vu en peu de temps. Mon corps me parle et je sens mes poignets battre. Ils cognent au rythme de mon pouls. Comme s’ils avaient été longuement ligaturés. Ce sont les chaînes qui se desserrent et qui laissent mes veines respirer. Ces veines que tant de fois j’aurais voulu ravager. Il me révèle la liberté que j’avais laissée aller.
Après avoir monté la tente, nous partons chacun de notre côté dénicher du bois pour le feu. Je fais ce qu’Ethan m’a appris. Je demande à la Terre si elle accepterait de me donner du bois afin que nous puissions nous éclairer et nous réchauffer durant la nuit. Je me tourne et aperçois des bâtons. Je les ramasse puis, plus loin, je repère des branches épaisses. Fière de mes progrès, je retourne au campement et vois Ethan démarrer le feu, une montagne de bois à côté de lui. Je me dis qu’il entretient une plus longue relation avec la nature que moi.
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