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Le livre un extrait

Ça va n’aller, l’extrait

9 février 2020

La rencontre

J’étais en boîte avec des copains, on s’éclatait sur « Oh la la la c’est magnifique » de TC Matic, c’était une très bonne soirée. J’allais chercher un verre quand j’ai vu ton père, qu’est-ce qu’il était beau ! C’était clair pour moi que je ne le laisserais pas partir sans qu’on se soit parlé. Quand il m’a enfin remarquée, je me suis dirigée vers lui et je lui ai proposé de danser avec moi. Il était surpris, mais il a accepté. « Heart and soul » de Joy Division est passé, j’ai tout de suite ressenti cette complicité entre nous, très forte. Il me fixait avec ses yeux effilés, curieux de savoir ce que j’avais en tête peut-être… J’étais étonnée qu’un mec comme lui puisse être intéressé par une fille comme moi, petite et boulotte. « The past is now part of my future ; The present is well out of hand ». Son sourire m’envoûtait. Ses mouvements étaient voluptueux, son regard perçant. Il était long et fin, tellement plus grand que moi.

  • Comment tu t’appelles ?
  • Sorry, ik spreek geen Frans*

Il était Hollandais et voyageait dans le monde. On est parti chez moi à pied et on se bécotait sur le chemin. Arrivés à mon meublé, on se déshabillait en se regardant. J’ai déboutonné sa chemise et vu son torse pour la première fois, qu’il était poilu ! Il ouvrait toujours sa chemise de façon à ce que ses poils soient visibles. C’était viril selon lui, tu te souviens ? Le lendemain matin, je suis partie au boulot et, à mon retour, il était encore là. Il écoutait de la musique et préparait à manger avec ce qu’il avait dégoté dans mon frigo. Il cuisinait très bien. Un an après, on se mariait puis un an plus tard tu apparaissais. Notre petite fille, le fruit de notre amour. Tu étais très désirée et très attendue. 

J’ai remarqué assez vite qu’il buvait beaucoup. Du whisky à l’époque. J’ai pensé qu’il s’agissait sans doute d’une période, que ça lui passerait. Après tout, on était jeune, on avait la vie devant nous. On s’aimait tellement. On se comprenait sans se parler. Rien ni personne ne pouvait détruire notre amour, on était tellement plus forts. J’avais une totale confiance en lui. Il était beau, cultivé ; on s’inspirait mutuellement.

Je me sentais bien. Dans ma peau, dans ma vie. Je construisais une relation forte, stable et sécurisante. On avait une maison, un travail ; on t’avait, toi, et c’était merveilleux. J’étais fière de notre vie que je trouvais classe et originale. On avait du style tous les trois. Ton père aimait nous parer de vêtements chics et atypiques et ça me plaisait. C’est d’ailleurs quand j’ai rencontré ton père que j’ai sauté le pas et adopté la coupe courte. C’était impensable avant. Ça m’allait bien, ça m’affinait le visage. Mon corps aussi s’était affiné comme s’il essayait de gagner quelques centimètres afin de rejoindre ton père dans les hauteurs. 

La vie avec toi était super aussi. On se baladait dans les bois, on visitait des galeries, on sortait voir des amis le soir ; on t’emmenait toujours avec nous. Toujours en vadrouille. Ton père te portait dans une écharpe, tu adorais ça. Tu étais tout le temps fourrée dans ses bras. Puis tu as grandi et on prenait, pour les longues promenades, une poussette que tu n’utilisais pas. Tu aimais beaucoup marcher et tu découvrais chaque fois de nouvelles choses. Et puis qu’est-ce que tu parlais, une vraie pipelette ! Du matin au soir, tu discutais avec moi, me posais des tas de questions. Tu me suivais même aux toilettes pour continuer à papoter. Du jour au lendemain, tu as cessé d’aller vers ton père, on ne saisissait pas pourquoi. Ta phase « papa » était terminée et tu te collais maintenant à moi.

*Désolé, je ne parle pas français.

PIETERKE MOL

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